Évolution des ardéidés (hérons) nicheurs

Objectif

Cet indicateur cible les ardéidés nicheurs, pour lesquels des recensements réguliers de la population nicheuse sont disponibles : Héron pourpré (Ardea purpurea) et Héron cendré (Ardea cinerea), Héron garde-boeufs (Bubulcus ibis), Bihoreau gris (Nycticorax nycticorax), Aigrette garzette (Egretta garzetta), Crabier chevelu (Ardeola ralloides), Grande Aigrette (Egretta alba) et Butor étoilé (Botaurus stellaris). Il s’agit principalement d’ardéidés nicheurs coloniaux, en dehors d’une espèce : le Butor étoilé.
L’indicateur rend compte de la taille de l’effectif régional de chaque espèce et de son évolution depuis une quarantaine d’années. A travers l’analyse des tendances d’évolution des ardéidés en région, il est possible d’apporter un éclairage sur l’état de santé des milieux humides. En effet, la présence et le développement de leurs populations sont les témoins de la fonctionnalité de ces écosystèmes (ressources alimentaires disponibles, caractéristiques des milieux en adéquation avec les exigences écologiques de ces différentes espèces, tranquillité des sites de reproduction).

Résultat synthétique

- Les espèces d’ardéidés liées aux roselières des lagunes languedociennes présentent un fort déclin en région (Héron pourpré, Butor étoilé).
- Pour les autres ardéidés, les tendances sont variables :
Le Bihoreau gris connait un déclin en région malgré des tendances inverses en France.
Le Crabier chevelu, l’Aigrette garzette, la Grande Aigrette et le Héron garde-boeufs présentent des tendances positives sur le long terme mais un déclin récent est observé sur plusieurs colonies.
Enfin la situation semble favorable pour le Héron cendré et la Grande Aigrette.

Grande aigrette et aigrette garzette @J. Dalmau - GOR

Contexte

Du fait de la diversité des milieux présents en région, en particulier des zones humides (lagunes littoral, marais doux, grands fleuves et ses annexes hydrauliques, ripisylves), le
cortège d’ardéidés nicheurs est particulièrement riche (9 espèces).

La plupart des ardéidés nichent en colonie, bénéficiant ainsi d’une défense « mutualisée » pour faire face aux prédateurs. Ces colonies sont établies dans des arbres, parfois assez haut pour le Héron cendré, ou dans des arbustes pour de nombreuses espèces. L’accessibilité à la colonie pour les prédateurs terrestres ou encore l’absence de dérangement humain sont des critères prépondérants dans le choix d’implantation de la colonie: les îles et les roselières inondés sont ainsi souvent privilégiées.
Le Butor étoilé et le Blongios nain sont des nicheurs non coloniaux qui recherchent des roselières pures, des scirpaies (Butor étoilé) ou des milieux dulçaquicoles plus boisés, comme les saulaies inondées (Blongios). Le Bihoreau gris est particulièrement lié aux grands fleuves (Garonne et ses affluents) tandis que le Héron pourpré et le Crabier chevelu sont typiques des roselières, en particulier les grandes roselières des lagunes languedociennes.
Tous les ardéidés sont protégés par la loi française.

Résultats

La situation globale des ardéidés en Occitanie est très hétérogène.

Plusieurs espèces affichent une forte augmentation sur le long terme comme le Héron cendré (+366% depuis 1985) et l’Aigrette garzette (+267%), d’autres sont même apparus au cours des dernières décennies : Héron garde-boeufs (1989), Crabier chevelu (1989) et Grande Aigrette (1994).
Notons cependant le déclin récent de plusieurs colonies d’Aigrette garzette et de Héron garde-boeufs en région (Riou, com. pers.), alors que ces espèces restent, au niveau national, en augmentation forte.

A l’opposé, le Héron pourpré montre un déclin de ses effectifs nicheurs de près de 80% depuis 1980 et pourrait disparaitre de la région dans les prochaines années (hors Camargue gardoise, qui est directement connectée aux importantes colonies de Grande Camargue).

C’est également le cas du Butor étoilé qui, malgré la réalisation d’un programme LIFE spécifique et la mise en oeuvre d’un Plan National d’Action (malheureusement suspendu depuis 2010), a vu ses effectifs nicheurs s’effondrer au cours de la dernière décennie. Supérieure à la centaine de mâles chanteurs au recensement de 2008, la population occitane de Butor est maintenant inférieure à 15 mâles, soit une diminution de 88% en 15 ans !

Le cas du Bihoreau gris est plus contrasté. Si l’espèce est en progression à l’échelle nationale sur les dernières années, le Bihoreau montre, à l’inverse, une diminution de ses effectifs nicheurs depuis 2007 dans le tiers sud de le France (-5.4% en Aquitaine-Midi-Pyrénées et -26.2% en Provence-Languedoc-Roussillon).
Les grandes colonies semblent particulièrement touchées sans que les raisons ne soient très claires dans l’état actuel des connaissances.

Quant au Blongios nain, qui reste une espèce discrète peu étudiée, nous ne disposons pas de données quantitatives. L’espèce semble néanmoins accuser une assez forte diminution, en particulier sur les lagunes méditerranéennes.

Les limites

L’indicateur calculé au niveau régional, voire pluri-régional, ne permet pas de mettre en évidence des différences de tendances entre les populations du Bassin Adour- Garonne et les populations du littoral méditerranéen.
De plus, réalisée à des pas de temps assez larges, l’enquête nationale « ardéidés coloniaux » mériterait d’être complété par un suivi régional plus fréquent afin de mieux percevoir les augmentations/ diminutions sur un réseau de « colonies tests ».

Les menaces

Pour les espèces nichant près du sol :

•Les variations des niveaux d’eau en cours de saison de reproduction (inondation des couvées ou, au contraire, accès facilité aux prédateurs en cas de niveaux d’eau trop bas) ;
• L’augmentation de la prédation en roselière (sanglier).

Pour les espèces nichant dans les roselières des lagunes :

• La salinisation des lagunes (roselières deviennent progressivement des sansouïres) ;
• Le manque chronique d’apports en eau douce, en particulier en fin d’hiver et début de printemps.

Pour les espèces migratrices :

• La qualité des habitats utilisés en hivernage et sur les sites de halte migratoire influent directement sur les effectifs reproducteurs en région. Une dégradation des zones humides ou des précipitations insuffisantes en Afrique de l’ouest, ou sur la voie de migration ouest-européenne (Mauritanie, Maroc, Algérie, Espagne), sont autant de menaces pour ces espèces migratrices.

Pour toutes les espèces d’ardéidés :

• Le comblement et le drainage des zones humides, y compris de petites superficies (mares) ;
• La gestion inappropriée des ripisylves, voire du lit mineur de certains fleuves côtiers (débroussaillage, bucheronnage), dans le cadre de la prévention des inondations.
• L’augmentation des dérangements sur certaines colonies.

Les solutions

• L’amélioration de la gestion des apports en eau douce dans les marais périphériques des grandes lagunes languedociennes ;
• La gestion des niveaux d’eau (niveau constant entre février et juillet) dans les roselières en restaurant les ouvrages de gestion hydraulique ;
• La garantie de la tranquillité des plus grosses colonies, y compris, si nécessaire, en mettant en place des Arrêtés Préfectoraux de Protection de Biotope ;
• La préservation des zones humides, y compris de petite taille, et des annexes hydrauliques (bras morts) des cours d’eau.

Rédacteurs fiche

Mathurin Aubry, Florian Olivier et Fabien Gilot - Groupe Ornithologique du Roussillon.

Données sources

L’Enquête Nationale Ardéidés Coloniaux est organisée tous les 4 à 7 ans. Elle est coordonnée depuis 1985 par Loïc Marion (Univ. Rennes I). Cette enquête nationale repose sur les comptages des colonies existantes, par divers organismes lors des années d’enquête : ALEPE, CEN Occitanie, GOG, GOR, LPO Occitanie, COGard, NEO, FDC 34, Agglo Hérault Méditerranée, Tour du Valat, Amis du Vigueirat, RN Bagnas.

Pour le Butor étoilé, les données de 2008 et 2012 sont issus des comptages organisés par les associations locales (GOR, LPO Aude et Hérault, COGard) dans le cadre du PNA Butor étoilé. Les données postérieures sont actuellement centralisées par l’Agglo Hérault Méditerranée et impliquent de nombreuses structures, en particulier les gestionnaires des sites littoraux concernés par l’espèce.

Enfin, les estimations des effectifs nicheurs du Blongios nain ont été fournies par les structures suivantes : GOR, LPO OC, COGard, NEO, La Salsepareille.