Évolution de l'aire de répartition communale des galliformes de montagne et suivi démographique du Grand tétras

Objectif

Cet indicateur fait état du suivi des trois espèces de galliformes de montagne présentes en Occitanie :
le Grand tétras (Tetrae urogallus), le Lagopède alpin (Lagopus muta) et la Perdrix grise des Pyrénées (Perdix perdix hispaniensis).

Ces espèces ont une forte valeur patrimoniale au niveau national mais aussi régional. En effet les sous-espèces pyrénéennes, isolées géographiquement, sont génétiquement différentes des autres populations d’Europe et de Scandinavie.
Cet indicateur vise à renseigner, à partir des données recensées par l’Observatoire des Galliformes de Montagne et ses partenaires, d’une part les tendances d’évolution de l’aire de répartition communale des trois espèces de galliformes de montagne présentes en Occitanie, sur la base des données disponibles et d’autre part, il précise les tendances d’évolution des effectifs du Grand tétras.

Résultat synthétique

- La répartition communale du Grand tétras a diminué de 7% entre la période 2000-2009 et la période 2010-2019 dans les Pyrénées françaises. Le nombre de communes où il est présent de façon régulière est passée de 295 communes à 275 communes entre les deux enquêtes. En 2023, la population de mâles est estimée à 1606 coqs [de 1373 à 2054 coqs] soit environ 3200 individus si l’on considère un sex-ratio équilibré.
Cette population connait depuis 2010 une diminution de ces effectifs estimée à 4% tous les deux ans soit une diminution de ces effectifs de 22 % sur la période 2010-2023 (avec un intervalle de crédibilité compris entre -11% et -31 %).

- Le Lagopède alpin connait une contraction de son aire de répartition communale en présence régulière de 4 % passant de 104 à 100 communes entre 2000-2009 et 2010-2019 et 11 % si l’on prend aussi en compte les communes en présence irrégulière. Depuis 1950, le nombre de communes en présence régulière dans les Pyrénées françaises a diminué de 21%.

- L’aire de répartition communale de la Perdrix grise dans les Pyrénées françaises reste stable avec 296 communes en présence régulière lors des deux enquêtes 2000-2009 et 2010-2019.

Lagopède alpin @J. Guillet

Contexte

Reliques de l’ère glaciaire et spécialistes du froid, les galliformes de montagne présentent un fort intérêt patrimonial. Ces oiseaux emblématiques couvrent tous les étages des écosystèmes montagnards français. Ils volent peu et vivent essentiellement au sol.
Trois espèces de galliformes de montagne sont présentes en Occitanie: Le Grand tétras, la Perdrix grise des Pyrénées et le Lagopède alpin.

Le Grand tétras (Tetrao urogallus) est classé comme espèce menacée à l’échelle nationale et régionale. Il vit dans les forêts claires des étages montagnards et subalpins (entre 700 et 2300 m d’altitude) dans les Vosges, le Jura et les Pyrénées. Il existe deux sous-espèces, aux exigences écologiques très différentes. La sous espèce Tetrao urogallus aquitanicus n’est présente que dans les Pyrénées. L’espèce a disparu du Massif Central au XVIIIe siècle mais où il a été réintroduit à partir de 1978. L’Occitanie héberge plus de 80% des effectifs de Grand tétras du massif Pyrénéen. Il existe encore une petite population issue de la réintroduction dans les Cévennes mais celle-ci est à nouveau en voie d’extinction.

La Perdrix grise de Pyrénées (Perdrix perdrix hispaniensis) est une sous espèce de la Perdrix grise, et est classée comme espèce quasi menacée à l’échelle nationale et régionale. La Perdrix grise des Pyrénées est typiquement un oiseau des estives qui se trouve entre 1300 et 2200 m d’altitude au centre et à l’ouest du massif. A l’est de la chaine Pyrénéenne, l’espèce est présente entre 1900 à 2500 m. Elle y affectionne les milieux avec une mosaïque d’habitats où alternent landes et pelouses et situés en expositions chaudes.

Le Lagopède alpin (Lagopus muta) est le galliforme des hautes altitudes ainsi que des toundras des zones arctiques par excellence. En France, l’espèce est considérée par l’UICN comme quasi menacée à l’échelle nationale et menacée à l’échelle de l’Occitanie. Le lagopède est présent dans les Alpes et les Pyrénées où son aire de répartition est comprise entre 1800 et 3000 m (jusqu’en limite des glaciers). Son habitat est constitué de pelouses rases parsemées d’arbrisseaux nains où les pierriers sont toujours fortement représentés.

Afin de mieux connaitre et mieux conserver ces 3 espèces, un suivi est assuré par l’Observatoire des Galliformes de Montagne ainsi que ses partenaires (ONF, OFB, Fédérations des Chasseurs, Parcs et réserves, associations naturalistes).

Résultats

Evolution de l'aire de répartition communale

  • Le Grand tétras

Entre l’enquête de 2000-2009 et celle de 2010-2019, le nombre de commune en présence régulière a diminué de 7% (soit une diminution de 20 communes) passant de 295 communes à 275 communes sur le massif des Pyrénées françaises. Les quelques points de disparition récente se situent tous en périphérie de cette aire de répartition où les habitats disponibles ne sont ni de très bonne qualité, ni très étendus. Notons que la distribution reste bien compacte sur l’ensemble des parties internes de la chaîne, et que l’extrémité « Est » de cette distribution n’a pas connu de rétraction notable durant la dernière décennie.

Dans les Cévennes, la présence du Grand tétras issue de la réintroduction conduite entre 1978 et 2004, présente une contraction de sa répartition avec seulement 6 communes en présence régulière. Une seconde extinction dans ce massif est à redouter.

  • Le Lagopède alpin

Dans les Pyrénées françaises, sur la décennie 2010- 2019, le Lagopède est présent de façon régulière sur 111 communes et de façon irrégulière sur 15 communes. Entre 2000-2009 et 2010-2019, le nombre de communes en présence régulière a diminué de 4% soit une diminution de 5 communes entre les deux enquêtes. Les communes concernées par cette disparition sont toutes situées en périphérie de l’aire de répartition de l’espèce dans le piémont pyrénéen.

  • La perdrix grise des Pyrénées françaises

Depuis les années 1980, l’aire de répartition à l’échelle communale de la Perdrix grise des Pyrénées évolue peu sur le massif pyrénéen. Dans les Pyrénées, elle est présente de façon régulière sur le même nombre
de communes (296) entre les 2 enquêtes 2000-2009 et 2010-2019. Les résultats montrent donc que son aire de répartition se maintient bien. Bien qu’elle ait été signalée comme disparue sur quelques communes, ces disparitions récentes ont été contrebalancées par son apparition sur certaines communes où elle était autrefois signalée absente ou en présence irrégulière. Les changements de statut des communes ont souvent lieu en périphérie de l’aire de répartition, là où l’espèce peut disparaître puis réapparaître successivement au cours des différentes décennies.

 

Suivi démographique du Grand Tétras - estimation des effectifs et tendances

Le suivi démographique du Grand tétras réalisé par les partenaires de l’OGM se déroule au printemps et permet d’estimer les effectifs de coqs chanteurs - coqs qui se regroupent chez cette espèce sur des places de chant où sont organisés des affuts pour les compter.

Pour la période 2022-2023, le nombre de coqs dans les Pyrénées françaises est estimé à 1606 coqs avec un intervalle de crédibilité compris entre 1373 à 2054 coqs.
Dans l’hypothèse d’un sex-ratio équilibré chez cette espèce, l’effectif des oiseaux adultes peut être déduite des résultats, en multipliant le nombre de coqs par deux.
Cette estimation des effectifs a été faite à l’échelle du massif des Pyrénées sur le versant français et pas spécifiquement à l’échelle de l’Occitanie. En effet, les données en provenance des Pyrénées Atlantiques sont intégrées, elles aussi, à la modélisation. Néanmoins, il faut noter que la région Occitanie héberge 80% de la population de Grand tétras.

Des tendances à moyen terme ont pu être calculées à l’échelle du massif.
Pour le massif des Pyrénées, depuis 2010, on observe une diminution des effectifs estimé à 4 % [-2% ; -6%] en moyenne tous les deux ans. Ainsi sur les 14 ans du dispositif (2010-2023), une diminution de ces effectifs de 22% (avec un intervalle de crédibilité compris entre -11% et -31%).

Les limites

Limites de l'enquête communale

Ces enquêtes décennales sont réalisées à l’échelle communale. A noter que certaines communes ont fusionné à la suite de réformes sur les collectivités territoriales. Dans l’enquête actuelle, la fusion des communes a été prise en compte et a été transposée pour les décennies précédentes afin de pouvoir comparer les enquêtes entre elles. Cependant, cette fusion des communes a pu induire une perte d’information car le découpage administratif qui en résulte engendre des communes de plus grande superficie.

Autre élément, les communes peuvent présenter une disparité de surfaces importantes, il faut donc souligner que le nombre de communes en augmentation par exemple ne traduit pas dans la même proportion l’augmentation en surface de l’aire de répartition.

On peut enfin questionner l’intérêt des découpages administratifs pour définir le statut d’une espèce. En effet, des limites géographiques basées sur la topographie et l’écologie seraient biologiquement plus cohérente.

Suivi du Grand tétras

La modélisation des effectifs du Grand tétras prend en compte les biais de détection des coqs lors des affuts sur place de chant (en effet, les coqs ne sont pas tous détectés durant les comptages par les observateurs) ou le biais de détection des nouvelles places de chant lors de la prospection quadrat.
Pour les tendances à moyen terme calculées à l’échelle du massif depuis 2010, il est à noter que le nombre de périodes disponibles (7) est encore faible et que les prochaines applications permettront d’affiner ces tendances notamment à l’échelle des régions géographiques.

Les menaces

  • Destruction de l’habitat

Très exigeant sur la qualité de son habitat, les galliformes de montagne utilisent, selon les saisons, des sites qui répondent à leurs besoins vitaux et aux traditions comportementales de la population locale (sites d’hivernage, de parade, de reproduction). Ils sont sensibles à la destruction et à la fragmentation de ces habitats. Le Grand tétras est une espèce étroitement liée aux forêts, il est donc très sensible à la gestion forestière de ces milieux.
En période de reproduction, le Grand tétras et la Perdrix grise des Pyrénées sont très exigeants vis-à-vis des caractéristiques des strates basses de la végétation. Ils ont besoin d’une mosaïque équilibrée d’habitats alternant des milieux ouverts (plages de graminées) et de milieux fermés (plages de sous-arbrisseaux). Situés dans des milieux agropastoraux pyrénéens, les habitats de reproduction de ces 2 espèces sont confrontés aux processus de déprise pastorale ou d’intensification pastorale qui peuvent impacter la qualité de cette mosaïque d’habitats (fermeture des milieux et disparition des plages des graminées ou au contraire ouverture trop importante et disparition des landes et landines).
Le Lagopède alpin est quant à lui, menacé par les grands aménagements touristiques de la montagne, les modifications de pratiques agricoles et les changements globaux liés au réchauffement climatique.

  • Dérangement

L’augmentation et la diversification des activités touristiques et de loisir entraînent une fréquentation humaine accrue dans des zones parfois sensibles pour les 3 espèces. En effet, l’hiver, ces galliformes économisent leur énergie et limitent leurs déplacements. Ils sélectionnent un habitat alliant source de nourriture et protection. En cas de dérangement, ils s’enfuient à vive allure, dépensant de l’énergie, s’exposant ainsi aux prédateurs et aux risques liés aux percussions dans les câbles. Des répercussions sur l’état physiologique sont également possibles, diminuant ainsi leur chance de survie.

  • Collisions de l’avifaune sur les câbles et clôtures

Les trois espèces de galliformes sont sujettes aux collisions accidentelles mortelles sur les câbles de remontées mécaniques des domaines skiables, les câbles électriques et sur les clôtures pastorales ou forestières. Plusieurs études au niveau mondial ainsi qu’au niveau Pyrénéen ont démontré le fort impact de ces infrastructures sur la survie de l’avifaune. Ces infrastructures sont recensées par l’OGM dans les Pyrénées (280 km de câbles et 1700 km de clôtures).

Les solutions

Afin de prendre en compte les enjeux Galliformes dans les activités anthropiques telles que la gestion forestière, la gestion pastorale, les projets d’aménagements en montagne, les activités de sport et de loisir, différentes mesures sont mises en places.

  • Actions pour améliorer la connaissance

La réalisation de cartographies de présence des espèces est primordiale pour la prise en compte de celles-ci dans les
activités anthropiques.
Pour le Grand tétras, dans les Pyrénées, l’OGM et ses partenaires réalisent une cartographie à dire d’expert de sa présence globale et de ses sites vitaux (zone d’hivernage, de nichées et places de chant) mise à jour tous les 10 ans.
Pour le Lagopède alpin, il existe une cartographie de l’habitat de reproduction potentiel. Par contre, pour le moment, il n’existe pas de telles cartographies pour la Perdrix grise des Pyrénées.
A un niveau plus local, l’OGM a mis en place des outils permettant de réaliser des diagnostics d’habitat d’hivernag et de reproduction pour les 3 espèces. Ceci afin de mieux connaitre les habitats et proposer des actions de conservation (mise en place de zone de tranquillité …).

Enfin le suivi démographique de ces 3 espèces emblématiques des Pyrénées est important pour leur conservation. S’il est difficile de connaître avec exactitude l’effectif d’une population d’oiseaux sauvages, il est
par contre possible d’estimer des effectifs et d’évaluer leur tendance. Ce suivi est réalisé annuellement par les partenaires de l’OGM.

  • Réalisation d’actions de préservation

Afin de diminuer les causes de mortalité anthropiques, la destruction des habitats et le dérangement, les partenaires de l’Observatoire des Galliformes de montagne agissent en mettant en place des actions de conservation au travers de différents programmes : Stratégie Nationale Grand tétras, fond vert, Agrifaune, MAEC (Mesures Agroenvironnementales et Climatiques), programmes européens.

Ces actions concernent :
Les travaux d’amélioration de l’habitat d’hivernage et de reproduction des galliformes.  Il peut s’agir de plantations de pins (source de nourriture hivernale pour le Grand tétras), de création d’exclos (installation de clôtures pour exclure les grands herbivores et laisser les strates basses (myrtille, callune…) se reconstituer), de chantier de réouverture de rhoderaie afin d’obtenir une mosaïque d’habitat de landes et landines propice à l’élevage des jeunes (mosaïque à la fois source de nourriture et source de protection des poussins).
Ces habitats sont parfois situés en zones pastorales, aussi depuis quelques années, les membres de l’OGM développent des partenariats avec les structures pastorales via les programmes Agrifaune pour une meilleure prise en compte des galliformes dans la gestion pastorale ; ceci notamment au travers des MAEC) qui permettent entre autres la mise en place de retard de pâturages dans les zones de reproduction et favorise le maintien de la mosaïque d’habitat par le pâturage.
Les zones de quiétude pour les galliformes sont mises en place pour limiter le dérangement hivernal (ski de randonnée, raquette) et estival (promeneur avec des chiens non tenus en laisse).
Les câbles de remontées mécaniques et les clôtures : En effet, ces linéaires sont une source de mortalité importante pour les oiseaux qui les percutent en vol. Différentes études ont montré que la visualisation des clôtures réduisait significativement les cas de mortalité.  Au total, sur les Pyrénées, il y a environ 1633 km de clôtures recensées en zone galliforme et 285 km de câbles de remontées mécaniques. Une priorisation des tronçons les plus dangereux a été faite et les actions de visualisation se poursuivent sur le massif.
Enfin, les partenaires de l’observatoire réalisent des actions de sensibilisation auprès du grand public pour améliorer la prise en compte des galliformes dans les pratiques sportives en montagne.

Rédacteurs fiche

Blandine Milhau - Observatoire des Galliformes de montagne
Violaine Meslier - Agence régionale de la biodiversité Occitanie

Données sources

OGM et ses partenaires Pyrénéens : Association des Naturalistes Ariégeois, Association Nationale des Chasseurs de Montagne, Club Galliformes de Montagne, Communautés de communes Pyrénées vallées des Gaves (Natura 2000 Gavarnie), Fédération départementales des chasseurs d’Ariège, Aude, Haute Garonne, H a u te s Py ré n é e s , Py ré n é e s Orientales, Pyrénées Atlantiques, Fédération des Réserves Naturelles Catalanes, GIC des 3 seigneurs, Observatoire de la Montagne Vallée d’Orlu, Office Français de la Biodiversité, Office National des Forêts, Parc National des Pyrénées, Parc Naturel Régional des Pyrénées- Catalanes, Réserve Naturelle Régionale d’Aulon (65), de Nyer (66), du Pibeste (65) et du Saint Barthélemy (09).